Litteralutte est un site de critique et de réflexion littéraires. Litteralutte fut au départ, une chaîne youtube créée par Ahmed Slama en 2019. Cette initiative a évolué, quelques années, plus tard en site collaboratif, Litteralutte.com, promouvant une littérature émancipatrice. On peut y lire des recensions, des lectures critiques d’essais, de recueils de poésie, de romans et de récits, mais également des analyses critiques autour de la littérature.
Le site Litteralutte ne bénéficie d’aucun financement ou autre subvention, il est intégralement financé par ses contributeurs – bénévoles. Ce point assure au site son indépendance vis-à-vis du système éditorial, mais également des lecteurs. Signalons que l’écrasante majorité des ouvrages traités dans le site sont des services presse. Un exemplaire de l’ouvrage ayant été envoyé par les éditeurs.
Pour autant, Litteralutte ne s’astreint pas à traiter de l’actualité littéraire. Ne souscrivant pas à la dictature de la nouveauté. Celle qui voudrait que seuls les des ouvrages récemment publiés aient voie au chapitre. Logique marchande et productiviste qui fait du livre un produit de consommation comme un autre, le vidant dans sa substance. La littérature, même si elle évolue au sein d’un marché dont il ne faut pas nier l’existence, doit être appréciée, autant que possible, en-dehors de ces considérations. Dans cette perspective, il est nécessaire de développer notre manière d’appréhender ce concept aussi flou qu’usité qu’est la littérature.
Pour une littérature émancipatrice d’idée
Nous considérons la littérature comme un perfectionnement permanent de l’art de penser et de s’exprimer. Ainsi, nous ne concevons pas les œuvres littéraires uniquement du point de vue de leur portée esthétique. Nous nous érigeons par ailleurs contre le mythe d’une distinction entre forme et fond. Raison pour laquelle nous traitons, à Litteralutte, autant de poésie, de roman, de récit que d’essai politique, philosophique ou sociologique. Nous considérons que l’ensemble de ces domaines requiert le maniement de la langue. Il sollicite un art de la pensée et de l’expression. Conception de la littérature qui va à l’encontre de celle développée depuis la fin du XIXe siècle. En effet, la conception la plus largement partagée de la littérature nous vient de cette époque.
Avènement de la valeur esthétique en littérature
Avec les premières décennies de la Troisième République se met en place un double système binaire. D’une part une opposition entre une littérature de divertissement considérée comme mineure. De l’autre une littérature qui va dans le sens d’une esthétisation. Est considéré comme littéraire ce qui est vu comme beau – on s’interrogera longuement sur cette notion. Ainsi se met en place l’idée d’une littérature qui serait supposée être la vraie, donc hiérarchiquement supérieure. Notons également que cette littérature a également une portée nationaliste – avec la mise en place d’un canon littéraire. L’autre opposition dsitingue cette littérature à portée esthétique et la littérature d’idée. On note en effet qu’à partir de cette fin du XIXe siècle français, les formes relevant de l’essai politique ou philosophique cessent d’être considérées comme appartenant à la littérature.
Les programmes scolaires constituent un bon baromètre, dont il ne faut pas négliger l’importance. En effet, l’école (et ses programmes) constituent pour beaucoup le premier réel contact avec la littérature. Partir de la représentation de la littérature à l’école, c’est toucher la représentation la plus commune qui en faite. La poésie rimée, la poésie parlant d’amour et de nature, les codes du roman du XIXe… mais également l’exclusion de l’essai de la sphère littéraire.
On pourrait aisément se demander pourquoi Les essais de Michel De Montaigne, Le discours de la méthode de Descartes ou encore les écrits philosophiques de Rousseau – pour ne citer que ces trois exemples – sont-ils considérés comme littéraires alors qu’ils ne relèvent ni de la poésie, du roman ou du théâtre. Tandis que les œuvres d’un Émile Durkheim ou d’un Karl Marx ne sont pas considérées comme proprement littéraires ? L’attribution du prix Nobel de littérature à Henri Bergson en 1927 pour son œuvre philosophique constitue un reliquat de cette conception de la littérature. En effet, il serait inimaginable qu’un philosophie, aujourd’hui, de recevoir un tel prix littéraire. Ainsi est-ce bien que la conception de la littérature qui a évolué. Se rabougrissant d’un côté sur son caractère marchand, de l’autre sur son aspect esthétique, mais également patrimonial.
En finir avec les mythes littéraires
La conception éminemment réactionnaire de la littérature1 n’a pas cessé malgré les évolutions advenues lors de ces dernières décennies. Notamment en termes de représentations, avec la constitutionde matrimoine(s) ou encore la mise en avant d’autrices, d’écrivaines. Sans oublier bien évidemment la mise en exergue de la littérature internationale et pas simplement française. Si ces évolutions nous semblent nécessaires et importantes, elles ne nous semblent pas remettre en cause les fondements (réactionnaires) de la littérature telle que conceptualisée à la fin du XIXe siècle. Il nous semble, au contraire, que ce sont bien ces conceptions réactionnaires de la littérature qui ne font qu’inclure des minorités.
Sans nier l’importance des enjeux ayant trait à la représentation des minorités. Pour autant ne nous souscrivons pas à la manière dont est parfois (souvent ?) appréhendée la littérature dans ce cadre. S’agissant, le plus souvent, d’une reproduction et d’une réappropriation des concepts littéraires les plus rances. De ce point de vue, l’opuscule d’Alice Coffin Le génie Lesbien [Flammarion, 2020] constitue un bon exemple. User de manière aussi légère d’un concept aussi primaire et rétrograde que celui de génie est pour le moins douteux, prolongeant les écrits réactionnaires d’un Chateaubriand.2 Même appliqué à une minorité largement discriminée, user de ce concept c’est reproduire des mouvements de pensée réactionnaire qui ne contribuent en aucun cas l’émancipation.
Ainsi est-il primordial, aujourd’hui, de sortir la littérature des représentations dans lesquelles elle se trouve enclose depuis maintenant plus de deux siècles, d’en finir avec des mythes tels que celui du génie, de la pureté littéraire, de l’esthétique ou encore des catégories. Appréhender la littérature dans la pluralité de ces formes. Non pas simplement comme un objet esthétique, comme un produit de divertissement. Donner à la littérature une portée émancipatrice passe par ce geste nécessaire de démanteler les catégories mises en place à la fois par les institutions et le marché.
Pour une critique matérialiste de la littérature
On l’aura compris, nous n’appréhendons pas la littérature comme une épure, détachée des conditions sociales et politiques de de sa production. Ces dernières affectent profondément la création littéraire. Ainsi l’avènement du capitalisme et la naissance de la Kulturindustrie n’a pas été sans effet sur la littérature. Pour autant, on n’a pas changé notre manière de l’appréhender. La critique, dans sa majorité, poursuit l’exploration de la littérature encore et toujours par le prisme de l’autrice ou de l’auteur, du texte ou de l’œuvre ; sans accorder aucune importance aux conditions matérielles de production de production des œuvres ou des textes.
Ainsi accordons-nous une importance fondamentale, du côté de Litteralutte, à la question des éditeurs et de l’évolution du marché de l’édition. Question qui affecte de façon décisive l’écriture en elle-même, voir notre article au sujet de Faire l’auteur en régime néo-libéral. Ainsi nous intéressons-nous particulièrement à la manière dont la littérature se trouve influencée par le capitalisme et les logiques de marché qui lui sont afférentes. Dans cette perspective, nous privilégions ce que l’on nomme les maisons d’édition indépendantes ; à savoir des structures éditoriales n’appartenant pas de grands groupes éditoriaux tels qu’Éditis, Madrigall, Média-participation…etc. Sans nous interdire de traiter des productions issues de telles structures, il nous semble pour autant primordial que les lectrices et les lecteurs saisissent les enjeux relatifs à ces questions éditoriales.
(Res)sources
1‘
2 On nous arguera qu’il s’agit là de simplement retourner le stigmate : on la connaît cette rhétorique aussi rance qu’inefficiente.
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